Chers amis, chers camarades,

Nous sommes aujourd’hui réunis autour de Bernard. Votre présence nombreuse témoigne de l’importance qu’il a eu, qu’il a, qu’il aura toujours pour nous, Insoumis, hommes et femmes engagés, partisans de la justice et de l’égalité de tous horizons.

Engagements

Dans les hommages publics qui ont salué sa mémoire, Bernard a été décrit comme « l’énarque de la France insoumise » ou « le conseiller d’État de Jean-Luc Mélenchon ». Si réducteurs soient ces épitaphes, ils disent tout de même quelque chose de ce qu’il a apporté à notre camp.

Bernard était de ceux qui, fuyant lumières et postes aux noms ronflants, ont bâti la crédibilité et le sérieux de notre famille, la possibilité concrète d’une transformation radicale du monde.   

Pour beaucoup d’entre nous ici, il était aussi un camarade, un compagnon de route, un ami. 

J’évoquerai pour ma part le combat mené par Bernard aux côtés de l’insoumission. Je laisserai à d’autres après moi l’occasion de pouvoir dire, forcément trop brièvement, les autres vies de Bernard, révolutionnaire aux milles causes. 

Son parcours est pionnier, singulier et unique. Il est aussi celui d’innombrables des nôtres. Son combat, humaniste et socialiste, est l’une des racines du mouvement composite et uni que nous formons. 

Bâtisseur de réseaux

Bernard a accompagné notre longue histoire : au Parti de Gauche, puis au mouvement insoumis, dès sa fondation. 

Il y a construit le réseau Article 15, nommé après celui de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui stipule que « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». Des hauts fonctionnaires de tous ministères ont ainsi contribué à bâtir notre programme, à affermir nos propositions. Fonctionnaires-citoyens, au service de l’intérêt général, réunis grâce à Bernard.

En regardant cela a posteriori, depuis notre rôle désormais de puissante force d’alternative au libéralisme autoritaire, on pourrait être tenté de saluer un peu vite tout cela comme une tâche utile accomplie au service de notre cause.

Mais il faut prendre toute la mesure de ce dont on parle : faire venir à nous des intellectuels, des hauts fonctionnaires, des universitaires, leur proposer de nous aider à construire un programme aussi ambitieux, tout cela ne relevait pas d’une évidence.

Alors que nous lancions un mouvement à partir de rien, alors que la gauche avait été abîmée par les trahisons, et menacée d’être rayée de la carte politique du pays, patiemment, délicatement, Bernard nouait des liens permettant d’établir la confiance.

C’est notamment à sa discrétion, à son inspiration, que l’on doit cet accomplissement inédit pour notre camp. Cette œuvre de construction méthodique pour faire émerger et enraciner un programme de rupture à vocation majoritaire. 

Président-fondateur de l’Institut La Boétie

Plus tard, en 2019, nous, Insoumis, avons décidé de nous doter d’une fondation, adossée au mouvement. C’est Bernard qui, dès lors, a pris en charge la tâche de bâtir ce qui allait devenir l’Institut La Boétie.

Patiemment toujours, dans l’ombre encore, alors que nous étions tous affairés à batailler, déjà ici contre une réforme des retraites, là à préparer les prochaines élections ou à réagir à la pandémie, lui, avec son travail et son intelligence, a posé les premières pierres d’un des outils nécessaires pour mener la bataille idéologique, dont nous déployons aujourd’hui toute la force. 

Sans Bernard Pignerol, l’Institut La Boétie n’existerait pas. Il était, est, et sera toujours son président-fondateur. Il n’y a que quelques mois de cela, lors de la séance inaugurale de l’Institut, il était, pour une fois, au pupitre, puisque c’est à lui que revenait la tâche de présenter notre Conseil scientifique, composé d’intellectuels de haut niveau, reconnus partout dans le monde, et représentant la vigueur de la pensée critique contemporaine.

Cette fondation, grâce à Bernard, est devenue le fer de lance de la bataille des idées que nous menons. Confier à un homme la responsabilité de mettre sur pied l’organe du combat et de la formation idéologique dit beaucoup de la valeur qu’il avait aux yeux de celles et ceux qui lui ont donné cette tâche. Mener la bataille idéologique, c’est ouvrir de nouveaux fronts, creuser de nouvelles tranchées. C’est aussi savoir tenir bon. Ne pas baisser les bras, ne pas laisser tomber quand on se sent seuls face à l’oligarchie coalisée. Savoir aussi entrevoir lorsque l’on est majoritaire et que l’on doit avancer, pour mobiliser, pour gagner.

L’institut la Boétie, grâce à Bernard, n’est pas un à-côté de l’insoumission. C’est une nouvelle étape. À partir des riches traditions intellectuelles, philosophiques et politiques qui composent notre mouvement, il s’agit de mettre en musique une nouvelle doctrine révolutionnaire, cohérente, au service de la révolution citoyenne au 21e siècle. 

Militant omniprésent

Bien au-delà des quelques titres qu’il a parfois acceptés, Bernard a été là pour nombre d’entre nous, chaque fois qu’on avait besoin de lui. Chaque fois que l’on savait que son aide, sa loyauté, sa fraternité, son expertise pouvaient aider nos combats. Quand il y avait un doute sur la faisabilité d’une ligne du programme, quand il fallait participer et venir renforcer notre service d’ordre, quand il y a eu besoin de mettre en place le groupe parlementaire en 2017, et à tant d’autres moments dont beaucoup ici, depuis leurs postes de combat passés ou présents, pourront témoigner.

Chaque insoumis, sans le savoir, doit quelque chose à Bernard. Beaucoup ici ne le savent que trop bien, blessés d’avoir perdu un camarade ayant participé de leur formation militante et idéologique.

Martyr de la cause

Il faudra désormais faire sans lui. Comme Bruno, comme François il y a quelques années, comme tant d’autres partout en France, il rejoint la trop longue liste de celles et ceux qui ont bataillé avec nous, ont construit l’insoumission, auraient dû être avec nous pour mettre en œuvre notre programme le jour venu, et ne pourront pas en être.

Bernard a entraîné tant d’autres dans notre combat. Il a ouvert, avec nous, une voie. Celle d’un mouvement de masse, sérieux, solide, crédible. Sans jamais renoncer à un pouce de notre volonté de changer radicalement cette société injuste, qui brise les corps et les vies, jusqu’à la mort. 

Aujourd’hui, nous sommes à quelques jours de la date à laquelle nous commémorons chaque année la mémoire de François Delapierre. Nous reviendrons aussi nous souvenir de Bernard. Comme amis, comme insoumis. 

Notre mouvement, chacun de nous, ne doit jamais oublier ce que notre force doit à quelques hommes et quelques femmes. Ils et elles ont su agir, organiser, décider, guider. Dans les moments où tout semble perdu, comme dans les moments où la victoire est à notre portée. 

Nous devrons toujours honorer nos morts. Et avec eux, grâce à ce qu’ils nous ont laissé, combattre, jusqu’à la victoire.

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